Merci de tout cœur Matthieu* pour le témoignage que vous nous offrez en exclusivité pour le pèlerinage des 7 routes Notre-Dame. Il touchera, nous n’en doutons pas, tous nos lecteurs et pèlerins. Vous étiez sur l’incendie de Notre Dame et avez donc été un acteur du sauvetage de la cathédrale.
Lorsque vous avez été appelé à vous rendre sur l’incendie, cela a dû vous toucher, car ce n’est pas une intervention banale ?
Il y a des événements qui marquent en effet, et je me souviens parfaitement ce que je faisais lorsque j’ai appris la nouvelle. A ce moment-là, j’étais de repos, mais étant resté à la caserne j’ai vu qu’il y avait de l’agitation, les engins ne cessaient pas de sonner, donc je me suis dit que quelque chose de majeur devait se dérouler et suis donc descendu pour avoir des nouvelles. J’ai donc appris à ce moment-là que Notre-Dame brûlait. Mais nous ne connaissions pas du tout l’état de gravité de l’incendie. Il a fallu trouver des volontaires en renfort donc je me suis porté volontaire car il y avait un grand besoin d’hommes, pour des postes très différents. Aider les camarades déjà sur place pour combattre le feu, et rejoindre une équipe dédiée au sauvetage des œuvres de la salle du trésor, il fallait beaucoup de monde, car c’était un incendie d’une réelle intensité. Sur le trajet nous avons pris conscience de l’ampleur de l’incendie. Ce qui m’a particulièrement marqué dans un premier temps, c’est cette foule qu’il y avait dans la rue, qui a ralenti notre progression dans Paris. Les parisiens sont allés voir leur cathédrale brûler en masse. En arrivant j’ai été très marqué de voir toutes ces personnes à genoux, en train de prier. C’était très impressionnant ! Ils chantaient, priaient et nous les voyions catastrophés. Ils étaient incroyablement soudés ! Et c’était très beau. Là de nouveau nous avons compris que c’était très grave. Cette immense fumée ne démentait pas notre impression. En arrivant, la flèche était toujours debout, mais lorsqu’elle s’est effondrée, la décision a été prise de récupérer les objets du trésor, qui ont une valeur inestimable. Des reliques, la couronne d’épine, des clous de la crucifixion de notre Seigneur, mais aussi des ostensoirs et autres objets liturgiques. Le conservateur de la cathédrale l’a rappelé aux pompiers qui leur a demandé de sauver tout cela, et certains objets en priorité. Avec toute une équipe, nous avons suivi le conservateur pour aller dans la salle du trésor. C’est exceptionnel en soi, donc je reconnais que je savais que je vivais quelque chose de particulier. Le but était de sauver un maximum d’œuvres, de façon très précautionneuse. Nous avions des CRS qui surveillaient les camions dans lesquels nous déposions tout cela.
Avez-vous pensé au danger, car cette mission était très périlleuse ?
On n’y pense pas trop dans notre métier. Cela fait partie de notre quotidien, à différents niveaux bien sûr. On est avec les camarades et nous devons réussir la mission. Mais à Notre-Dame c’était un peu différent.
Lorsque l’équipe de pompiers a sorti de la cathédrale en feu la couronne du Christ, cela a dû être une expérience spirituelle très forte ?
Cette couronne comporte une épine que notre Seigneur a porté, pour un croyant la sauver des flammes c’est quelque chose de très fort.
Matthieu, vous me disiez en préparant l’interview que lorsque vous étiez enfant, vous alliez à la messe, vous étiez servant d’autel même. Et puis en voyant toutes les abominations que vous pouvez rencontrer comme pompier, ainsi que la douleur des personnes confrontées à toute cette souffrance, votre foi a quitté votre cœur. Vous ne compreniez pas comment un Dieu pouvait permettre une telle désolation. Pouvez-vous nous en parler ?
Oui, j’ai tout lâché, je ne comprenais pas pourquoi notre Seigneur permettait cela. J’ai douté pendant de très nombreuses années et le jour de l’incendie, aussi étonnant que cela puisse paraître, j’ai été saisi et je suis ressorti de la cathédrale converti
C’est incroyable ! Mais comment cela s’est-il produit ?
Lorsque je suis entré dans la cathédrale, il y avait bien sûr un trou béant dans la toiture. Face à moi se trouvaient l’autel et cette fameuse croix que tout le monde a vue en photo je pense après l’incendie. Cette croix brillait de tous ses sens. Mais attention ! Elle n’était PAS éclairée. C’est elle qui diffusait de la lumière. On ne voyait qu’elle ! Et je reconnais qu’alors j’ai ressenti une très grande paix, et je sentais qu’il ne fallait avoir aucune crainte, car vraiment pour moi c’était l’incendie du siècle ! Je suis resté bien 10 ou 15 secondes, stupéfait face à cette vision… J’étais en total cœur à cœur avec cette croix. Ensuite je me suis remis à travailler. A aucun moment je ne me suis senti en danger et cela a été un élément déclenchant de ma réconciliation avec notre Seigneur. J’avais déjà été préparé en voyant tous ces fidèles prier comme je vous le disais au début. Je peux dire maintenant que la présence de notre Seigneur était déjà là pour nous réconforter. C’était un signe du Ciel. Dieu voulait voir comment nous allions nous comporter dans cette épreuve. Cette vision a changé ma vie ! Bien sûr je vais à la messe, plusieurs fois par semaine si possible, je me suis remis à prier, je regarde beaucoup de films pour rattraper beaucoup de choses que je n’ai pas apprises pendant toute cette vie sans notre Seigneur. J’ai aussi été confirmé et je suis heureux d’accompagner quelqu’un pour du catéchuménat. Mais surtout je suis beaucoup plus à l’écoute de notre Seigneur, et voir tous ces signes qu’il nous envoie à travers les autres. Mon cœur est ouvert, j’essaie de donner. Je suis très heureux de donner de mon temps pour les autres. J’aime écouter les autres car je constate que les gens ont besoin de parler mais surtout d’être écouté. Ce n’est pas toujours facile je dois le reconnaître, mais c’est vraiment ce dont les gens ont besoin actuellement.
Votre famille a dû voir ce changement ?
Oui et c’est magnifique car ils m’ont suivi dans cette conversion, ma maman retourne à la messe, mes proches cheminent
Merci Matthieu* pour ce très beau témoignage, merci d’avoir sauvé avec tous vos camarades notre si belle cathédrale !
Je voudrais rajouter deux choses, il faut vraiment voir dans cette cathédrale qui ne s’est pas effondrée, l’Eglise qui reste debout malgré les assauts des flammes, il ne faut pas oublier cela ! Et je voudrais conseiller à vos pèlerins de lire Une Journée avec notre Seigneur, car en le lisant un peu chaque matin, vous verrez, cela nous apporte beaucoup. Cette lecture me fait avancer. Tous les matins je commence ma journée avec notre Seigneur. Ce n’est pas toujours facile mais j’essaie de bien prendre ce temps. Vous verrez cela nous pose et on se laisse modeler. Alors n’hésitez-pas !
*Le prénom a été modifié